UN CONTEXTE CAUCHEMARDESQUE
Cette crise sanitaire du Covid 19 et les confinements à répétition qui en découlent (un 3ème confinement est évoqué à l’heure où j’écris cet article) provoquent des dégâts considérables sur le plan psychologique chez nombre d’entre nous.
L’enfermement de fait, les privations, les séparations, les éloignements, les licenciements, les dépôts de bilan, les fermetures d’entreprises, les discours répétitifs et obsédants sur la crise sanitaire et leur lot d’informations macabres ont déjà commencé à faire d’innombrables victimes.
Les dépressions se multiplient et une hausse importante des suicides est constatée. Le confinement, conçu pour sauver des vies, en détruit aussi, hélas. L’expérience est inédite dans nos existences.
Se rajoute à cela une notion à laquelle nos sociétés modernes ne sont pas familiarisées et qu’elles honnissent, l’Incertitude. L’incertitude et l’impossible planification de nos vies. Nos perspectives temporelles ont volé en éclat.
De nouvelles vagues épidémiques ne sont pas à exclure, couplées à de nouveaux confinements et les restrictions de libertés qui vont avec elles. Des traumas à répétitions prévisibles.
Même le vaccin est entouré d’un épais halo d’incertitudes et d’interrogations.
On assiste en direct aux disputes des spécialistes sur l’efficacité de celui-ci. Il n’apparaît pas pour tous comme étant la délivrance finale tant espérée. La méfiance est de mise. Et certains craignent tout autant le vaccin que le virus. Et parfois même plus le vaccin. Pas de salut !
Le pire c’est qu’on nous prédit une succession d’autres virus dans le futur aussi maléfiques les uns que les autres, sinon plus. Passé regretté, présent irrespirable et futur redouté. La pyramide temporelle est devenue un triangle carcéral. Aucune échappatoire !
Il faut noter que ce catastrophisme vient se surajouter aux autres types de menaces déjà annoncées : réchauffement climatiques, disparition des espèces, alimentation dangereuse, remise en cause des évidences scientifiques, agressions sexuelles, montée de la violence et du fanatisme, terrorisme… Sans parler des considérations complotistes qui fleurissent à tout va dans ce contexte de doute généralisé.
Cela fait beaucoup pour nos petits êtres, trop !
Jamais, sans doute, dans l’histoire moderne l’être humain n’aura connu une époque aussi alarmiste et sombre.
Il ne faudra donc pas s’étonner si on assiste un peu partout à des comportements inaccoutumés, incohérents et irrationnelles. On est perdu ! Le confinement est une fabrique de fous.
Nos gouvernants eux-mêmes prennent parfois des décisions qui apparaissent a posteriori insensées et relever de la folie.
Les effets de ces traumas sur nos psychismes ne peuvent être sous-estimés.
LE SECOURS DE LA RÉSILIENCE
Alors, il devient plus que jamais urgent et crucial de mettre en place des garde-fous, pour ne pas si bien dire, afin de prévenir et surtout de savoir rebondir, se relever, repartir avec un mental renforcé, reconstruire ce qui aura été démoli en nous et en dehors de nous. Et redessiner pour soi-même un horizon stimulant et enchanté.
Il va falloir être fort, très fort.
C’est le fameux processus de Résilience.
Un terme fort à la mode ces derniers temps et parfois incompris.
Sur le plan biologique la résilience est la capacité à maîtriser ses réactions au stress. Elle est donc essentielle à la santé physique et mentale. C’est bien connu, le stress est délétère. Il perturbe le système immunitaire et circadien, contribue au développement de nombreuses maladies, suscite des comportements néfastes pour la santé et affecte directement nos relations personnelles.
Tandis que la résilience, elle, bloque la production du cortisol (l’hormone du stress) et permet de récupérer rapidement après un événement difficile voire traumatisant.
Mais la résilience ne se limite pas à savoir encaisser et endurer. Elle propulse vers une reconstruction, vers l’avenir, comme nous l’avons dit plus haut.
LA PAROLE RESILIENTE
Dans le cadre des formations dispensées dans notre centre, la dimension qui nous intéresse principalement dans le processus de résilience est celle qui passe par l’exercice de la parole.
La parole libère. La parole répare. La parole reconstruit.
Elle est un regard porté, une réalité assumée dans sa complexité et ses contradictions, un terrain d’analyse et de questionnements. A la fois appropriation et mise à distance.
Nommer c’est penser et rendre les mots audibles c’est déjà entamer le renouveau.
C’est pourquoi il n’est pas toujours si facile de nommer un chat un chat. Se mentir et se voiler la face est plus aisé. La parole-acte est le contraire de la rumination qui se mord continuellement la queue.
Le silence est à la fois refuge et le premier des reniements.
Même si c’est pénible, il faut accepter de procéder à la réévaluation cognitive d’un événement désagréable, de le réinterpréter de façon souple et créative et mieux, être capable d’en faire le récit, son propre récit. D’en parler. Et cette simple aptitude naturelle disparaît parfois après un traumatisme psychique.
Il faudra alors faire preuve de patience, comme nous le conseille Boris Cyrulnik, ou favoriser cet accouchement des mots avec délicatesse.
En face, l’écoute attentive et bienveillante de la part d’un proche, d’un thérapeute ou d’un formateur-comportementaliste en ce qui nous concerne, s’impose.
Le récit collectif (médias et autres) ne remplacera jamais le récit personnel.
La réévaluation d’un événement traumatisant passe aussi par l’antithèse. On parle alors de « flexibilité cognitive ».
Il faut réussir à voir derrière le malheur les opportunités nouvelles d’une refondation de nos vies individuelles et de notre destin collectif, et avoir la capacité de s’adapter de façon souple aux changements alentour.
La parole résiliente est positive et ouvre les chemins des possibles.
Mais les paroles ne se valent pas toutes et leur exercice est soumis à des règles et principes. C’est là qu’intervient notre enseignement. Place à la parole bienfaitrice et régénératrice. Place à la parole bien conduite, efficace et féconde. Cette forme de parole s’apprend. Nous l’enseignons.
L’EPREUVE DE LA DISTANCIATION
Avec le confinement, toute parole vivante est brutalement mise à distance. Parler en public induit pourtant une proximité physique, un rapprochement charnel. Mais désormais nous sommes mis à distance respectable les uns des autres. Le Conseil scientifique a même recommandé récemment en France de ne pas parler dans le métro. Du jamais…entendu !
Le port du masque s’assimile à un bâillon, une muselière. On ne perçoit plus les mimiques et ces milliers de petits mouvements du visage de l’autre qui disent tant et expriment l’indicible.
Comment parler à l’autre en commençant par s’en éloigner ?
Il est interdit de toucher l’autre. Un complément naturel aux mots pourtant. Il ne nous reste plus qu’à miser sur la capacité du son de la voix à se faufiler à travers les micro-trous du masque pour aller jusqu’à notre destinataire.
Parler à l’autre en s’en éloignant ! Du point de vue anthropologique la notion est complètement nouvelle et inédite. Il faut susciter de l’empathie sans attirer à soi ! Une aberration !
La parole est socialisation mais on nous demande de commencer par respecter la distanciation sociale. Cette parole s’en trouve forcément dénaturée.
RESTER AU SOL OU SE RELEVER, NOUS AVONS CHACUN LE CHOIX
Et pourtant, il faudra coûte que coûte aider à réparer les individus que cette crise aura brisés. Les remettre debout pour affronter les défis à venir, nombreux, qui vont immanquablement se dresser sur nos chemins. C’est pourquoi la constitution d’un mental fort s’impose.
C’est ce qu’on appelle la croissance post-traumatique. Nous pouvons non seulement nous remettre des épreuves difficiles mais aussi en ressortir grandis.
C’est cela la Résilience. Se relever au milieu des décombres et se mettre à reconstruire, le cœur vaillant.
Et ce processus passe par la parole, j’insiste, c’est le sens même de la formation que nous proposons dans notre module « Résilience et reconstruction de soi par la Parole ».
Les personnes résilientes ont un comportement prosocial développé. Ce qui implique la capacité à parler aux autres.
L’avènement de la parole libératrice.
Dans la résilience il s’agit aussi de retrouver une image positive de soi, d’aborder les problèmes de manière active et cultiver un sentiment de cohérence dans ce qui nous arrive, d’identifier les ressources dont on dispose (affectives, cognitives, sociales, comportementales, …) ce qu’on appelle l’auto-efficacité, un concept développé par l’américain Albert Bandura en 1986. Sa théorie de l’agentivité personnelle est également un outil précieux dans le cadre de la résilience.
Nous avons toujours le choix, il ne faut jamais l’oublier : se laisser choir ou se relever et se mettre à gravir la montagne escarpée.
Les mots deviennent alors de précieux auxiliaires de cette remontée.
Aujourd’huiil y a urgence. Il faut rattraper tous ceux, très nombreux, qui flanchent et se laissent tomber. La culture de la résilience doit être généralisée. Sans perdre de temps. C’est une question de salut public. C’est une cause nationale (et internationale) majeure.
La vie est une perpétuelle reconstruction de soi.
SHAM’S