Elle a manifestement un gros travail à faire pour devenir une bonne oratrice.
Lors du meeting inaugural de sa campagne au Bataclan, Anne Hidalgo s’est surtout appliquée à bien lire son texte, négligeant le lien vivant, charnel et irremplaçable avec son public, lien qui passe principalement par l’accroche du regard.
En conséquence, son discours de 46 mn est apparu trop long, manquant de variations, aussi bien dans les intonations que dans le rythme.
Tout ceci fut aggravé par un parler mou et une articulation traînante, comme si elle venait de se réveiller.
Centrée au maximum sur ses papiers et quelque peu tassée sur elle-même, elle prenait souvent appui sur le pupitre, concédant parfois des gestes plus ou moins fermés, les mains se rejoignant en entraînant la remontée des épaules (défaut que s’acharnait déjà à corriger le grand orateur athénien Démosthène, 350 ans avant J.-C.).
Sa base au sol s’avère instable et il lui reste à s’ouvrir « vraiment » à son public, avec générosité et force. Aux applaudissements, par exemple, elle répondait par un sourire retenu, là où une Hillary Clinton aurait montré toutes ses dents, dans un éclat de séduction franche et totale.
Anne Hidalgo n’a pas encore le souffle de l’orateur qui emporte, renverse et soulève. Le public n’a pas scandé son nom, comme à l’accoutumée dans ce genre de rencontre. L’emballement de la salle s’est limité à des applaudissements convenus, pour ne pas dire polis et de circonstance.
Plus d’énergie et de pugnacité lui seraient salutaires. La marge de progression existe pourtant. Elle ferait mieux de se persuader rapidement qu’un héritage (celui laissé par Bertrand Delanoë) n’est jamais un gage d’avenir.
Lorsqu’à l’occasion elle prend la parole assise à une table, il lui arrive parfois d’appuyer sa tête sur ses mains jointes que ses bras repliés (les coudes sur la table) ont rapprochées de son visage.
L’orateur ne s’appuie pas et ne se repose sur aucun « acquis ». Il est dans un élan de conquête.
Bertrand Delanoë avait précédé de peu Anne Hidalgo ce jour-là à la tribune. Ce furent 26 mn de maestria oratoire. Magistral ! Aucun papier avec lui ! Avant de commencer, il a demandé que la salle soit éclairée car il « aime voir les gens à qui il parle ». Son intervention fut riche en variations émotionnelles et rythmiques. On est abasourdi par le savoir-parler du Maire de Paris.
La comparaison dessert gravement celle qui brigue sa succession.
Hélas ! L’art oratoire ne se transmet pas comme un paquet-cadeau, il s’apprend.
Meeting au Bataclan, le 29 mai 2013