Macron-Le Pen : Tout se joue ce soir

Sham’s fait la bande annonce du débat de ce soir où Emmanuel Macron aura fort à faire pour déjouer la stratégie de Marine Le Pen Ce n’est pas parce que les sondages donnent 60% d’intentions de vote à Emmanuel Macron contre 40% à Marine Le Pen que l’élection présidentielle est pliée. Sham’s, docteur en sciences et technologies des arts oratoires partage lui aussi cet avis servi par la plupart des observateurs de la vie politique : « Macron n’a pas encore gagné car il n’a pas encore suscité le désir. Il faut qu’il fasse un geste, comme le lui a conseillé Mélanchon ». Depuis le début de la campagne, il a analysé avec nous le comportement des différents candidats. Ses remarques se sont d’ailleurs révélées pertinentes au regard des résultats du premier tour.

Il avait rapidement souligné la « transparence »de Benoît Hamon. Il avait vu François Fillon comme un « piètre orateur », lui qui a poussé l’absurde jusqu’à déclarer qu’il ne demandait pas qu’on l’aime. Il constate après les résultats, que le meilleur orateur, Jean-Luc Mélanchon, n’a pas suffisamment atténué sa « rudesse de tribun ». Enfin, il avait perçu la montée en puissance du jeu de Nicolas Dupont- Aignan qui a frôlé les 5%. 

« Une mise à mort » 

Macron meilleur technicien

Selon lui, donc, tout peut basculer lors du débat de ce soir entre Marine Le Pen qui « n’a rien à perdre » et un Emmanuel Macron qui apprend vite tout en manquant singulièrement d’expérience face à de telles joutes oratoires. « Ce sera un combat de nerfs et ça va attaquer tout de suite.Pour diriger la France, il faut savoir maîtriser ses nerfs, avait asséné Nicolas Sarkozy à Ségolène Royal en 2017, ça avait été le coup de grâce », prévient le spécialiste.

Techniquement, Emmanuel Macron ne manque pas d’atouts. Sur son tableau analytique, Sham’s les a comptés : il en a plus que Marine Le Pen à condition de garder à l’esprit la « totémisation du corps ». Bref : rester vertical car celui qui se penche se met à l’horizontal et perd la confrontation. N’oublions pas qu’il s’agit, « ni plus ni moins que d’une mise à mort »… Le candidat d’En Marche est bon quand il s’agit de « butiner du regard », tenir sa voix sans monter dans les aigus, s’adapter aux attaques « grâce à un cerveau qui fuse à 230 000km/sec ». Marine Le Pen peut quant à elle marquer des points sur le registre de l’expression émotionnellemais Sham’s a remarqué qu’elle maîtrisait moins bien sa voix.

Le Pen meilleure stratège

Il a surtout relevé que la candidate du FN est stratégiquement supérieure à son adversaire. Elle bénéficie des conseils de Gilbert Collard qui a écrit un ouvrage de référence en la matière « l’art de s’exprimer en toutes circonstances et les mots grossiers à utiliser ». Elle sait mieux imager ses propos avec « le choc des photos et le poids des mots ». Elle ne s’emballe pas derrière son pupitre. « C’est elle qui choisit les arguments et lui qui court derrière », dit encore le spécialiste. Elle propose un projet « plus attractif », même s’il est irréaliste. Elle suscite un espoir comme Barack Obama avec son « Yes we can ». Elle est plus fine pour esquiver les mises en cause en répliquant par « une vraie fausse réponse » alors que lui répond à toutes les attaques du tac au tac. Elle avance « à marche forcée » sans se laisser interrompre.

« Mais on peut avoir les meilleurs coaches du monde. Une fois dans l’arène, les coups vont pleuvoir,prévient Sham’s. Elle est plus aguerrie pour esquiver, battre en retraite, contre-attaquer… Emmanuel Macron devra s’appuyer sur un cerveau hyperperformant mais il devra surtout maîtriser ses nerfs car elle utilisera toutes les armes à sa disposition. Il devra faire un effort de démonstration pour démontrer le programme de son adversaire. Mais surtout ne pas la sous-estimer. Ce n’est pas parce qu’il a lu plus de livres qu’il l’emportera face à une adversaire populiste qui sait si bien s’identifier au peuple et jouer de l’empathie ».

Franck CELLIER